Si tu as suivi les derniers évènements, normalement tu sais de quoi je vais parler ici. Oui, depuis 2 jours, j’ai le cerveau qui tourne à plein régime (si tu dis que ça change de d’habitude, je t’aime plus).
Je sais que c’est con, que j’aime ce que je fais. Qu’en général ça se passe bien. Que la plupart du temps je rentre avec le sourire.
Mais il a suffit d’une matinée. Une matinée pour tout remettre en question.
Mercredi après-midi, j’étais prête à tout plaquer. Mais vos messages m’ont un peu apaisée, à me rappeler que je ne suis pas (totalement) inutile (et accessoirement, j’ai des factures à payer).
Mais alors, pourquoi une matinée exécrable efface tous les bons jours ? Si je faisais une liste des + et des -, le positif devrait l’emporter. Et pourtant… tout ce que je retiens, ce sont ces trois heures avec des élèves odieux, où je me suis sentie complètement dépassée, inutile, absolument pas soutenue. Ce qui me fait peur, c’est que je n’arrive pas à me raisonner, à me dire que c’était exceptionnel, qu’en général, les cours se passent bien. En fait, c’est plutôt l’inverse qui tourne en boucle dans ma tête. Que ça ne va pas aller en s’arrangeant, que les élèves vont être de pire en pire au fil des années. Je me dis qu’avec l’expérience, je saurai quoi faire, comme réagir, mais eux aussi évolueront, et deviendront encore plus vicieux et méchants.
Ce qui fait que depuis la fin des cours mercredi, je m’interroge. Suis-je vraiment faite pour ce boulot ? Si oui, pourquoi ça se passe mal ? Qu’est-ce que je pourrais faire pour y remédier ? Si non, je fais quoi ? Je change, mais pour faire quoi à la place ? Parce qu’il est hors de question que je me rende malade pour des idiots qui ne le méritent pas. Je vais pas laisser des petits cons insolents me bousiller la santé. Et malheureusement, c’est ce que je fais quand, comme ici, les choses m’atteignent.
Moi qui attendais impatiemment la fin de l’année pour en finir avec les segpa, j’en arrive à me dire que finalement, ça serait peut-être une bonne solution pour moi de continuer avec eux. Alors oui, il faut être honnête, c’est clair qu’intellectuellement, c’est pas ça. Faire des multiplications et des divisions de tête, je sature. Il faut les materner en permanence, leur dire de sortir leur cahier, d’écrire en bleu ou en vert… beaucoup sont (très) limités, mais pour la plupart, ils n’y sont pas pour grand-chose. Ils font avec les moyens qu’ils ont. Au moins, ils sont (à peu près) polis et respectueux. Ils font (à peu près) ce que je leur demande, et même si ça ne leur plait pas, au moins ils m’envoient pas bouler. Parfois même, on rigole ensemble. Oui bon ok, je le dis, je les aime beaucoup, je m’y suis attachée. Alors si la segpa c’est ce qui me permet de renter chez moi relativement saine d’esprit, pourquoi pas recommencer l‘année prochaine ? Et la stimulation intellectuelle, je peux la trouver ailleurs.
Bref, je suis en plein confusion. Tout ça a cause de quelques crétins. Je me mettrais des claques de me laisser déstabiliser aussi facilement. Heureusement, je vais pouvoir profiter d’un long week-end, faire le point, avant les vacances qui arrivent bientôt et qui, je croise les doigts, me permettront de me vider complètement la tête.
J’aurais aimé pouvoir en parler à mes parents, parce qu’ils sont dans le métier et leur expérience m’aurait été bénéfique. Malheureusement, je sais que je ne le ferais pas. Parce qu’ils ne supportent pas que j’exprime mes doutes. Pour eux, douter, ça veut dire que c’est certain que j’arrête. Alors ils vont s’énerver, m’engueuler parce qu’ils trouvent que je ne suis pas une fille stable. Et puis les segpa, c’est pas assez gratifiant pour la Reine Mère. Ça va une année, mais je vais pas perdre plus de temps avec eux. Elle ne comprend pas pourquoi je n’enseigne pas à des bts par exemple. Ça doit être moins honteux vis-à-vis de ses copines je suppose. Moi je vais me sentir mal, et je vais repartir frustrée et fâchée. Ça ne ferait pas avancer la réflexion. Et c’est bien dommage.